Les grands Maitre du Livre et de l'Imprimerie en Belgique
Jean Dumont (1853 - 1927)
Vers 1870 l'enseignement professionnel et la réglementation de l'apprentissage, dans le domaine de l'imprimerie, n'existaient pas. Les ouvriers, très jaloux de leurs connaissances et craignant de voir dans l'apprenti naitre un futur concurrent, retarde le plus possible, et souvent par des moyens regrettable, l'émancipation de nouveaux éléments entrés dans les ateliers.
D'autre part, les patrons n'avaient aucun souci de la préparation technique des jeunes ouvriers et ne se préoccupait nullement de s'assurer, pour plus tard, le renouvellement de main-d'œuvre qualifiée.
Cette situation, avec tout ce qu'elle entraîne de routine et d'injustice, existait dans les ateliers Bruxellois lorsque, tout jeune, celui qui devait devenir le véritable créateur et le premier Directeur de l'école professionnelle de typographie de Bruxelles fit ses premiers pas dans le métier.
Né en 1853, Jean Dumont, qui n'a reçu qu'une éducation très sommaires, entre en apprentissage à l'âge de 13 ans. Cinq ans après, il est typographes à l'imprimerie Vanderauwera, aujourd'hui disparue, où il reste plusieurs années, se perfectionnant chaque jour un travail personnel persévérant. Il entend acquérir cette instruction complète que l'école n'a pu lui donner ; seul ou en suivant les cours d'adultes organisée par la ville de Bruxelles, il apprend les langues étrangères et les mathématiques. Ces nouvelles connaissances vont lui permettre en 1878 d'entrée comme correcteur à "l'indépendance belge". À l'atelier qu'il quitte on regrette tellement son départ que ses camarades de travail lui remettent une adresse exprimant leur sympathie.
Mais il n'a pas encore trouvé sa véritable voie, qu'il découvre enfin l'année suivante, en 1879, en entrant comme secrétaire technique, charger également de la partie artistique des spécimens de la maison, à la fonderie typographique Vanderborght. En 1887, il en devient le directeur, jusqu'au jour où, en 1901, il prend une part d'associations dans la firme qui devient la maison Vanderborght & Dumont.
L'activité de Jean Dumont ne se manifesta pas seulement dans le domaine purement industriel. Dès 1872, – il n'avait donc encore que 19 ans, – il crée une société philanthropique pour venir en aide aux ouvriers malades ou momentanément gênés. Il fonde et soutient de ses propres deniers pendant 10 ans un journal qui défendra les intérêts corporatifs. Il propage dans les milieux professionnels des idées de coopération, alors combattu par beaucoup d'esprit. DE 1885 à 1888, il est un des représentants de la typographie au sein du Conseil des Prud'hommes. Il organise à Ostende le deuxième congrès de la presse périodique en collaboration avec l'union de la presse périodique, dont il était un des Vice-Présidents. Il préside la collectivité des Arts Graphiques au quatrième salon des Arts et Métiers à Bruxelles, il est secrétaire de groupe à l'exposition internationale de Bruxelles de 1897 et secrétaire technique de l'institut internationale de l'Art Public.
Mais le plus beau titre peut-être de Jean Dumont est d'avoir provoqué, par ses démarches et par sa propagande en faveur de la création d'écoles professionnelles pour l'imprimerie, la fondation de l'école professionnelle de typographie de Bruxelles, dont il fut aussitôt nommé directeur et dont il a été pendant de nombreuses années l'animateur. La modeste institution du début ne tarda pas à grouper des élèves de plus en plus nombreux et de plus en plus désireux de se perfectionner, et qui ont maintenant à leur disposition un matériel important.
Grace à l'impulsion qu'il sut donner dès sa fondation à l'école professionnelle de typographie de Bruxelles, Jean Dumont a plus fait pour l'enseignement technique et pour les progrès des arts de l'imprimerie que tous les efforts, d'ailleurs limités, fait antérieurement pour la formation des jeunes ouvriers.
Devant le succès remporté à Bruxelles, l'exemple fut suivi en province et l'école typographique de Bruxelles a servi de modèle aux écoles formés en province, à Bruges, à Charleroi, à Turnhout, à titre, à Liège, à Anvers, à Ostende, etc. De plus, les bénéfices de l'enseignement recueilli dans ces écoles professionnelles se prolonge grâce au cercle d'études qui en étendent les méthodes et en complète le programme. Ainsi Jean Dumont aura vu se développer largement les idées qu'il fut au début un des seuls à défendre et à propager.
Après 60 années de labeur fécond, il a dû se retirer de la vie active. Frappé dans ses affections les plus chères par la mort de son fils, - Commandant du génie et officier de brillant avenir, tué au front le 3 octobre 1918 – il a été lui-même atteint de cécité, ce qu'il l'a privé de la consolation qu'il aurait trouvé dans le travail qu'il a toujours aimé.
Son labeur ne s'est pas limitée à cela : désireux de mettre a portée des ouvriers, surtout des jeunes, des manuels pratiques leur permettant d'appliquer aux métiers les leçons de l'école, il a successivement publié l'aide-mémoire à l'usage des élèves de l'école de typographie, puis le Vade-Mecum du typographe, premier manuel de ce genre publié dans notre pays et qui est resté un modèle de clarté, ensuite un lexique typographique, complément du précédent ouvrage, et enfin un manuel grammatical à l'usage des typographes et correcteurs, qui est un instrument de travail indispensable à tout ce qui compose un texte. Dans un autre ordre d'idée, Jean Dumont a aussi publié une étude documentaire très complete, abondamment illustré, sur le livre avant et depuis l'invention de l'imprimerie, dans lequel il retrace de façon pittoresque l'histoire de cette art de l'imprimerie auquel il a consacré toute sa vie.
On peut dire que l'influence de Jean Dumont aura été profonde en Belgique au point de vue des progrès réalisés par l'industrie du livre. Et c'est un rôle élevé qu'il faut lui savoir gré d'avoir si longtemps rempli avec une belle conscience.
H. L.
Le musée du Livre
Bulletin mensuel
N°1 Octobre 1926.