Les Gibus une famille d’inventeurs
Il existe des inventeurs prolixes, il existe des inventeurs de père en fils, dans la famille Gibus, qui est originaire de Limoges, on est inventeur par principe. Le plus ancien Gibus que l’on trouve sans difficulté est du début du 18em siècle. La famille Gibus est prolifique mais une forte mortalité infantile aura sans doute raison de sa descendance. Les Gibus qui sont encore vivants semblent tous originaires de la Martinique ou de Cayenne.
Quand on entant le nom Gibus on sait de quoi il s’agit, bien sûr le chapeau Gibus est devenu un classique, une sorte de référence qui devient par défaut le synonyme même de Chapeau.
Mais qui est l’inventeur du chapeau Gibus ? de quand date cette invention ? et surtout pourquoi une telle invention à d’une part vue le jour, mais surtout pourquoi à telle autant marquer les esprits jusqu’à notre siècle ?
Les inventeurs
Il est bien difficile de dire qui d’Antoine ou de Gabriel, est le véritable inventeur, mais c’est quoi inventé un nouveau chapeau ? Si nous regardons du strict point de vue du dépôt de brevet alors c’est Antoine qui dépose le 23 juillet 1834 un brevet pour « un chapeau à forme pliante dans le sens perpendiculaire » [brevet 5794 ; INPI].
Si nous regardons du strict point de vue de la preuve, c’est-à-dire voir un schéma, un principe une méthode mise en œuvre pour la réalisation du chapeau, alors c’est Gabriel, dit Gibus jeune, qui est l’inventeur. Gabriel dépose le 30 septembre 1837 un brevet pour « des chapeaux ressorts à double pression » [brevet 8450, INPI].
Les inventions
Ce dernier brevet qui tient en quelques pages, décrit par des schémas, des explications précises et toute scientifique les effets du ressort à double effet qui permet au chapeau, sur une simple sollicitation du coude de se déployer. Il y a même l’esquisse du principe des ressorts.
Mais en dehors de toute description ou antériorité une question se pose pourquoi ? Si nous regardons les gravures, photos et peinture de l’époque et bien tout le monde porte un chapeau. Celui qui porte une casquette c’est le « mauvais garçon » quant à celui qui ne porte rien sur la tête c’est tous simplement impensable. Certes la première trace que l’on trouve d’un chapeau repliable c’est dans l’illustration n°2813 du 23 janvier 1897 qu’on la trouve, il y est expliqué que c’est en Angleterre en 1824 que l’on trouve sous le nom de « Opera hat » trace d’un chapeau dont le but essentiel est de gagner de la place dans les vestiaires. Un certain Monsieur Longchamps en vendit à Paris dès 1827 mais nous n’avons trouvé aucune description de ce chapeau repliable.
Ce qui est remarquable c’est que non seulement les deux frères Antoine et Gabriel, mais surtout ce dernier, déposeront quantité de brevets, de modification et d’amélioration du chapeau clac, mais il y aura également un Gibus neveu, Jean Baptiste Eugène, qui est le fils du frère aîné d’Antoine et Gabriel, Jean Baptiste, [brevet 11606, 19 avril 1851, INPI]. Ce neveu s’intéressera surtout à l’amélioration de l’efficacité des ressorts, et nous voyions dans ses documents une série de dessins de ressorts tous plus étrange les uns que les autres.Très rapidement c’est Gabriel qui sera le seul présent dans l’invention en tout genre autour du chapeau, plus de 30 dépôts de brevets ou d’addition en 30 ans.
Des recherches récentes nous ont fait découvrir pourquoi (décembre 2012) voir ci-dessous.
Les adresses
Alors qu’Antoine sera chapelier 3 place des Victoires puis 20 rue Vivienne, Gabriel s’installe au 7 rue de Chaume puis au 50 rue Beaubourg puis au 40 de la même rue. Gabriel installera une fabrique de chapeau à Poissy (Seine & Oise) dans laquelle travailleront sans doute beaucoup d’ouvriers. Nous en gardons une trace par un dépôt de plainte lors d’une coalition d’ouvriers le 21 novembre 1953, ou 24 d’entre eux chercheront à obtenir une augmentation par une « grève » qui sera facilitée par la constitution d’une caisse de secours sous le couvert d’une société philanthropique au 35 rue Beaubourg.
Mais quand on a l’invention dans le sang, cela passe aussi aux enfants. Gabriel aura 1 enfant qui reprendra le flambeau de l’invention et un gendre. Son fils Martial Auguste, et Louis Émile Simas qui épouse sa fille Catherine Adolphine Victorine Gibus.
Les autres inventions
Des deux c’est quand même Martial Auguste qui se montrera le plus intéressant. Il déposera un brevet pour un « Appareil propre à arrêter les voitures en marche » qui n’est autre que la modeste, mais nécessaire, pédale de frein de nos modernes automobiles.
Antoine ne sera pas en reste, il déposera le 11 avril 1842 un brevet pour une « disposition de canne parapluie ». Cet astucieux dispositif permet de cacher un parapluie dans une canne qui, lorsque cela est nécessaire, et par coulissement d’une suite de tubes, le met à disposition de son propriétaire. C’est bien sûr parce que la canne fait partie de la panoplie de l’homme élégant au même titre que le chapeau clac.
Au milieu de toutes ces inventions vestimentaires Gabriel déposera en 1843 un « Système de couverture de registres, recueils et cahiers quelconques ». Cette dernière invention que nous sommes encore nombreux a utilisé n’est autre que l’ancêtre du classeur à anneaux.Antoine disparaît « sans laisser de traces » c’est-à-dire qu’il nous a été impossible de trouver la date ou le lieu de son décès. Gabriel quant à lui décédera à Poissy le 6 octobre 1879 ou il habite depuis 1855, son fils Martial Auguste décédera l’année suivante, laissant deux veuves Gibus au 99 rue de Paris.
Catherine Adolphine Victorine aura deux enfants Martial Eugène et Jean-Jacques Eugène. Martial Eugène né le 1er septembre 1862 se mariera le 3 mai 1898 à Paris 18em, avec Anne Marie Dalbergue. Il laissera un nom à la postérité en devenant un décorateur céramiste Art Nouveaux, il s’illustrera notamment par son travail au « Château Laurens » à Agde. Propriété d’un riche héritier, Emmanuel Laurens (14 octobre 1873 – 5 octobre 1959). Sans retrouver le métier de ses ancêtres qui étaient dans la porcelaine, il se retrouvera dans une activité de céramiste.
Lors de ces recherches il nous sera donné de retrouver deux portraits d’une madame Gibus sans pouvoir déterminer de façon certaine de qui il s’agit, la femme de Gabriel ou celle de Jean Baptiste Eugène, le neveu. Ces portraits sont dans une collection « les belles femmes de Paris ». La recherche à partir du nom du dessinateur et du graveur n’a pas abouti, les catalogues sont muets sur ces deux gravures. Toutefois la date probable du travail et la relative jeunesse de la femme nous laissent supposé qu’il s’agit d’Émilie Angélique Hennequin, femme dudit neveu.
La lecture du contrat de mariage du neveu fait chez Maximilien Delagreval, notaire à Paris, le 1 juin 1855, laisse apparaître un lien très fort avec Gabriel, presque toute la famille signe l’acte, Gabriel Gibus et son épouse M.Bordas, ses oncles et tante, Augustin Gibus, fils de Gabriel, Catherine Gibus fille de Gabriel, Victorine Gibus. L’apport du neveu est de 110 000F, et c’est le neveu qui occupera le magasin d’Antoine au 3 place des Victoires.
Il est aussi probable que Gabriel gardera longtemps des liens avec Salvi Guicher chapelier à Limoges, cette piste reste à explorer.Est-ce que la famille Gibus s’est éteinte avec ces inventeurs ? rien n’est moins sûr mais aucune recherche n’a abouti pour l’instant. Nous sommes toujours à la recherche des descendants des Simas, une branche existe dans l’est de Paris mais sans lien direct avec nos Gibus.
Longtemps après la disparition du dernier Gibus le nom restera sur la devanture d’un magasin 11 rue du 4 septembre, juste devant un arrêt d’autobus qui sera, jusqu’en 1961 transformés en « arrêt Gibus » par les habitués de la ligne 66.